Témoignage : Le T-shirt à manches courtes

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Aujourd’hui, je vous partage un témoignage de vie à travers l’histoire de Faustine. La lecture de ces lignes peut être compliquée et potentiellement difficile selon l’histoire et la sensibilité de chacun. Je vous rassure, il est pour autant synonyme d’espoir, de résilience et d’acceptation de situations passées. Si vous souhaitez cependant retrouver des articles plus légers, n’hésitez pas à en consulter d’autres sur mon blog

C’est l’histoire de Faustine, une jeune fille de 15 ans, en classe de seconde. Faustine est la dernière enfant d’une famille recomposée, elle a un grand frère et une grande sœur de 12 et 9 ans son aîné. Elle est la seule enfant de Clarisse, sa maman.

Faustine se trouve être une jeune fille discrète, hypersensible, intuitive, très créative, bienveillante avec ses proches, ayant de belles facultés d’apprentissage. Elle ne supporte pas l’injustice et peut surréagir aux remarques désagréables. Faustine se montre très généreuse et empathique avec de délicates attentions pour ses proches, de grandes oreilles pour ses amies. Elle n’a jamais été la fille « la plus populaire de sa classe ». Il lui arrive de se trouver décalée par rapport aux filles de son âge, et encore plus par rapport aux garçons de son âge.

Faustine traverse, comme beaucoup de jeunes gens, la pandémie du COVID 21 confinée, recluse dans sa chambre, sans cours, le temps que les moyens de les dispenser à distance s’organisent. Ses repères du quotidien tombent. Puis certains cours sont dispensés, progressivement, à distance. Faustine traverse cette période comme une chance, dans un premier temps. Une chance car il n’est alors plus nécessaire de se lever à l’aube, plus nécessaire de s’apprêter. Les contraintes se distendent, pendant que ses parents pédalent eux aussi pour s’adapter au mieux professionnellement à ce contexte inédit, très sollicitant en énergie et implication. Faustine ne le réalise pas, à ce moment-là, mais elle est de plus en plus isolée, sans vie sociale ni interactions avec ses congénères adolescentes, ses professeurs, ses activités scolaires et extra scolaires habituelles.

Durant cette même période, son père Franck se trouve focalisé sur la dernière étape de sa reconversion professionnelle, pour devenir Professeur de Mathématiques, suite à son départ négocié d’un grand groupe qui s’est restructuré. Il s’implique sans compter son énergie dans la préparation du CAPES, puis d’un Master. L’attention du père de Faustine se trouve alors très focalisée sur ce projet de reconversion très stimulant, mais également très prenant. Franck travaille d’arrache-pied, il vient de valider son CAPES au travers d’un concours, après avoir vécu une forme grave du COVID. Cette dernière ayant occasionnée une longue hospitalisation et une perte de poids importante. Puis, il devient Professeur de Mathématiques stagiaire, s’applique et s’implique dans la préparation de ses cours pour des collégiens, à mi-temps. En parallèle, il reste étudiant. Il prépare un Master en enseignement ; ce qui là encore le passionne, mais lui demande un engagement important… Eléments qui, de fait le rendent très peu présent pour sa famille et sa fille Faustine.

 

Au cours de cette même période, sa mère Clarisse, après 8 mois de pandémie, en sur sollicitation professionnelle du fait de son activité RH (gestion de l’isolement des salariés, de leur retour partiel en sécurité au bureau, gestion des arrêts maladie, de la mise en place de mesures de chômage partiel ou total […]), se met à l’écart, au travers d’un long arrêt maladie, résultant d’un burn-out construit depuis des années et de ses troubles de l’humeur. Clarisse est, par la force des choses, très autocentrée sur ses troubles et son plan d’action pour recouvrer la santé à cette période. Pourtant jusque-là, elle a toujours porté beaucoup d’amour, de soins, de temps et d’attentions à son enfant unique, sa petite Faustine chérie. 

Alors que Franck et Clarisse sortent la tête de l’eau, Faustine commence elle à flancher. Son isolement dans sa chambre s’amplifie, elle se réfugie derrière son smartphone, ne sort plus, alors que les mesures d’isolement se sont largement assouplies. Ses parents ne parviennent pas à obtenir son ouverture au dialogue, le partage de ses émotions. Mal dans sa peau, Faustine commence à se scarifier les bras, puis progressivement la cuisse, en secret ; cachant ses ustensiles, ses bras et ses jambes, en toutes circonstances. Comme une façon de faire sortir le mal de son corps. Elle expliquera plus tard que cette « pratique » la soulageait, assez paradoxalement. Et puis, un jour sa maman découvre des tâches de sang dans son lit, et la questionne. Elle parvient enfin à découvrir que Faustine se scarifie, horrifiée !

C’est alors que ses parents prennent conscience du sérieux des troubles anxieux voire dépressifs de leur jeune Faustine. Ils font des pieds et des mains pour mettre en place un suivi psychologique, demandent une prise en charge d’urgence pour jeunes gens dans un centre psychiatrique adapté… et font en sorte de sortir Faustine de sa torpeur.

Ils essaient tant bien que mal de l’encourager peu à peu à sortir de sa chambre pour partager des activités avec elle. Sorties et promenades en forêt, préparation de repas ensemble […]. Malheureusement, sur une période d’une dizaine de mois, Faustine tentera plusieurs fois de mettre fin à ses jours, mais en faisant en sorte à chaque fois de ne pas être isolée à ce moment-là.

Ses parents analyserons plus tard, avec l’aide de l’infirmière scolaire, que Faustine exprimait son mal-être à ce moment-là. Davantage comme une façon d’attirer, enfin, l’attention de ses parents que comme une volonté profonde d’en finir. Après cette mise au point, ils sont maintenant, en capacité d’accueillir son mal-être. Faustine bénéficie d’un aménagement de son emploi du temps scolaire : cours optionnels supprimés, planning condensé, pour parvenir à un bon mi-temps, qui permet à Faustine de se reposer, de prendre du recul et de se rendre à tous ses rendez-vous thérapeutiques.

Pendant toute cette période les scarifications se poursuivent et Faustine s’évertue à se cacher : sweat-shirts amples, pantalons, T-shirts à manches longues exclusivement. Ses parents lui demandent régulièrement si elle serait d’accord pour leur montrer, et pendant de longs mois, Faustine s’obstine à refuser. Clarisse la met en confiance, petit à petit, en lui promettant de ne pas la juger ou de la blâmer. A force de douceur, d’accueil avec bienveillance des troubles de Faustine, cette dernière finit par proposer à sa mère de lui montrer. Clarisse remercie sa fille pour sa confiance, et félicite sa fille pour cette avancée.

Avant cela, un triste jour de printemps, Faustine avale à forte dose des anti dépresseurs et anxiolytiques, puis elle prend le bus pour se rendre au lycée. Une jeune femme, la voyant chancelante, l’accompagne jusqu’au lycée. Elle tombe devant le bureau des CPE. Le lycée appelle les pompiers, qui l’embarquent, accompagnés du papa à l’hôpital… Faustine y passera 3 jours, sa mère bouleversée et en colère, viendra chaque jour passer plusieurs heures avec elle et tenter de la réconforter. Faustine sort de l’hôpital et retourne à ses activités habituelles, toujours avec un suivi psychologique et psychiatrique important. Ses parents découvrent la non-implication de Faustine dans ses soins, en soins de jours à l’hôpital […] largement encouragés par sa psychologue de l’époque. Ses parents changent immédiatement de thérapeute.

Puis se présente un week-end du mois de juin passé chez des amis. Il fait beau, l’eau de la piscine est chaude, Faustine n’ose pas se baigner… et montrer ses scarifications. Clarisse l’encourage à le faire, pour prendre plaisir à une baignade, en l’assurant de la bienveillance de tous les amis présents, qui connaissent les tourments de Faustine. Clarisse la rassure : « si je me trompe et que tu sens des regards insistants, tu n’auras qu’à aller te rhabiller ». Faustine fait confiance à sa mère ce jour-là. Elle avait cheminé et était prête à affronter et assumer les regards extérieurs. Elle a commencé par montrer ses bras, en portant un T-shirt à manche courtes, puis s’est mise en maillot de bain pour lézarder au bord et dans la piscine. A partir de ce jour-là, Faustine a progressivement décidé que les cicatrices de ses scarifications faisaient partie de son histoire et de son identité et qu’elle les assumait. Quelle victoire que de la constater assumer une période qui n’a pas été simple pour elle, s’autorisant à avancer sur son chemin en acceptant cette part passée d’elle-même.

Cet été là, Faustine est partie 2 semaines en colonie de vacances, et a dû se plier aux exigences de la vie en collectivité. Ses parents l’y ont inscrite en pensant à cet effet thérapeutique. Elle a alors renoué avec le plaisir, les sensations corporelles agréables au travers de sports d’eau. Puis Faustine est partie dans un camping au bord d’un lac avec ses parents 2 semaines. Ses grands frères et sœurs, qui eux aussi se sont inquiétés pour elle, sont venus passer 1 semaine avec la famille dans ce bel endroit. De nombreuses activités ont été partagées et Faustine était libre, pour la première fois, de passer ses soirées au bord du lac, avec les copains rencontrés sur place. Faustine dira plus tard à ses parents que c’était le plus bel été de sa vie !

Tous ces soins et facteurs cumulés ont permis à Faustine de revenir du côté de la vie, et de reprendre normalement le cours de sa scolarité, de renouer avec ses amitiés et sa vie sociale. Faustine a même eu le cœur chaviré par un bel allemand attentionné et délicat, l’été de ses 16 ans, rencontré à la plage… Avec qui elle partage toujours aujourd’hui, un an plus tard, une jolie histoire d’amour, pourtant éprouvée par la distance. Puis s’en est suivie la classe de Terminale, et le baccalauréat, obtenu brillamment, avec une mention très bien ! et des vœux d’orientation exaucés ! Faustine et ses parents en furent très fiers !

Si votre adolescent traverse une période similaire, que son suivi psychiatrique ne suffit pas, nous pouvons en parler. Si toutefois la situation nécessite une urgence sur l’instant, n’hésitez pas à contacter le numéro national de prévention du suicide : le 3114. 

Anne Pascard – Hypnothérapeute et Praticienne en Neurofeedback dynamique à Saclay.

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